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L’investissement durable est devenu un terme incontournable dans le monde de la finance. Mais derrière cette appellation se cache une réalité complexe. Comment distinguer les véritables initiatives durables des simples opérations de marketing ?

Qu’est-ce que l’investissement durable ?

L’investissement durable vise à concilier rendement financier et impact positif sur l’environnement et la société. Il ne s’agit pas seulement d’éviter les industries nuisibles, comme celles qui sont fortement liées à la pollution ou à la déforestation, mais d’investir activement dans des projets qui favorisent la transition écologique, tels que les énergies renouvelables, l’agriculture biologique ou les technologies propres.

Cependant, la notion de “durable” peut varier :

Il est donc difficile de parler d’investissements durables car c’est une notion à géométrie variable. Cela n’a pas empêché certains acteurs de se déclarer “durables”.

La polémique des fonds “verts”

La popularité croissante de l’investissement durable a conduit à une prolifération de fonds se prétendant “verts”. Cependant, tous ne sont pas aussi verts qu’ils le prétendent. Prenons l’exemple de BlackRock dont le placement « énergies durables » est censé financer prioritairement les énergies « propres » et « renouvelables », tout en **excluant strictement les entreprises du charbon, du pétrole et du gaz, premiers responsables des émissions de gaz à effet de serre (GES).

Pourtant l’engagement n’est pas tenu selon une enquête du Monde : les trois plus gros actifs de ce fonds à 6 milliards d’euros sont des poids lourds du secteur des énergies fossiles. L’énergéticien allemand RWE AG, l’américain Nextera Energy et l’italien Enel SPA représentent à eux seuls 16 % de ses encours, alors qu’ils produisent autour de la moitié de leur électricité à partir de charbon, de gaz et de pétrole.

L’exemple de BlackRock n’est pas isolé. En enquêtant en collaboration avec une dizaine de médias européens, dont Investico et Follow the Money, Le Monde a découvert que la plupart des acteurs financiers qui promettent à leurs investisseurs de mettre leur épargne au service du climat financent en réalité toujours des entreprises polluantes. Les labels et les normes n’y changent rien : même les fonds « super-verts » sont souvent fautifs. A l’échelle européenne, près de la moitié (46 %) de ceux que nous avons étudiés investissent dans des actifs liés au fossile ou à l’aviation.

Cette “grande tromperie” a suscité des débats et des inquiétudes quant à la véritable nature de l’investissement durable.

La taxonomie verte de l’Union européenne : une réponse claire

L’Union européenne a adopté en décembre 2019 le règlement sur la taxonomie des activités vertes, ouvrant ainsi la voie à un référentiel européen ambitieux en matière de finance durable. Ce règlement vise à définir ce qui constitue un investissement respectueux de l’environnement.

Les discussions techniques sont toujours en cours pour déterminer les seuils et critères techniques qui permettront de définir les activités « durables », « de transition » et « soutenant la transition » car le sujet est complexe. L’objectif est de s’assurer que ces critères :

  1. Reposent sur des trajectoires de décarbonation de long terme qui sont systémiques, robustes, transparentes et partagées par l’ensemble des acteurs.
  2. Soient alignés avec l’objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050 que l’UE s’apprête à retranscrire dans sa première loi climatique.

La Directive sur la divulgation d’informations relatives à la durabilité dans le secteur des services financiers (CSRD) joue également un rôle crucial dans ce contexte. Elle vise à renforcer la transparence et à fournir aux investisseurs des informations claires sur la durabilité des investissements.

Conclusion : la complexité de l’investissement durable et l’importance de la taxonomie européenne

L’investissement durable est un sujet complexe et en constante évolution. Si les promesses de fonds “verts” peuvent être séduisantes, la réalité montre que tous ne sont pas aussi respectueux de l’environnement qu’ils le prétendent. Dans ce contexte, la taxonomie verte de l’Union européenne apparaît comme une réponse essentielle pour clarifier le paysage des investissements durables. En définissant des critères clairs et transparents, elle vise à offrir une référence fiable aux investisseurs, leur permettant de distinguer les véritables opportunités durables des fausses.

La mise en place de cette taxonomie aura un impact significatif sur le monde de l’investissement. Les entreprises et les fonds qui ne se conforment pas à ces critères risquent de perdre la confiance des investisseurs et des clients soucieux de l’environnement. Il est donc crucial pour les acteurs financiers de se pencher rapidement sur la taxonomie européenne et d’aligner leurs stratégies en conséquence. Ignorer cette évolution pourrait entraîner des conséquences financières et nuire à leur image.

Il apparait donc que l’investissement durable est plus qu’une tendance passagère. C’est une nécessité pour assurer un avenir viable pour notre planète et pour répondre aux attentes croissantes des consommateurs et des investisseurs en matière de responsabilité environnementale.