A peu près tout le monde admet qu’il faut réduire son empreinte carbone. Mais, outre le fait qu’il faut aussi s’intéresser à la raréfaction des ressources en eau et en matières premières, peu de gens savent comment s’y prendre réellement.
Bien sûr, on parle beaucoup d’Analyse de Cycle de Vie (ACV) mais c’est une tâche ardue dès lors que l’on s’intéresse à un système aussi complexe qu’un bâtiment. A titre d’exemple, la future RE 2020 a dû être reportée à 2021 car son expérimentation E+C- faisait ressortir des cas aberrants (selon les cas, un bâtiment bois n’atteint pas le niveau C1, contrairement à un bâtiment béton/brique). Cela est dû au fait que les facteurs sont multiples et que l’on produit des calculs précis sur la base d’hypothèses très générales.
Autre point important, les FDES sur lesquelles s’appuient ces calculs, outre leurs nombres limités, sont souvent évaluées selon un type “Berceau au tombeau” qui n’intègrent pas les gains CO2 liés à la réutilisation/recyclage des produits en fin d’usage.
Or, pour réduire l’empreinte carbone d’un bâtiment, il faut non seulement mesurer le “carbone gris” de ses constituants, c’est à dire le carbone émis par le processus de production des produits, mais aussi mesurer le carbone économisé grâce à la réutilisation ou le recyclage des produits usagés. Par exemple, il ne faut que 5% de l’énergie (carbonée) de production initiale de l’aluminium neuf, pour produire de l’aluminium recyclé.
En conséquence, seul un raisonnement réellement global et circulaire peut nous permettre de maîtriser nos émissions carbone. C’est l’un des objectifs de l’économie circulaire, et nous verrons plus loin comment.
Mais qu’entend-on réellement par “économie circulaire” ?
L’économie circulaire fait partie, avec la “block chain” ou l’intelligence artificielle, de ces buzzwords dont les entreprises raffolent pour se différencier artificiellement ou relooker leur marketing. Alors disons-le une fois pour toute : l’économie circulaire ce n’est NI la valorisation des déchets, NI l’écologie industrielle, NI même le simple recyclage des matières. Car dans la véritable économie circulaire, la notion même de déchet n’existe pas. Tout y est ressource/nutriment, comme dans la nature et elle s’inscrit dans ce qu’on appelle le paradigme de la ressource.
En fait, le terme “économie circulaire” a été popularisé dans les années 2010 par la fondation Ellen Mac Arthur en reprenant les principes du Cradle to Cradle inventé à la fin des années 80 par le chimiste Michael Braungart et l’éco-architecte William McDonough. Le Cradle to Cradle (C2C) est devenue depuis la norme internationale de l’économie circulaire et aujourd’hui plus de 10 000 produits sont certifiés par le C2CPII, principalement dans le domaine du bâtiment, où son usage est de plus en plus fréquent, notamment en Hollande, en Scandinavie, en France et aux USA.
La certification C2C permet de mesurer les qualités d’un produit au niveau de sa non-toxicité, de sa circularité et de son processus de production selon les 5 axes suivants :
Cette certification est précieuse car elle fournira une partie des données nécessaires à la constitution des passeports circulaires des produits du bâtiment (voir plus loin).
Appliqué au monde de l’immobilier, le concept d’économie circulaire implique que les constituants usagés issus d’un bâtiment ne deviennent jamais des déchets, et soient, au contraire, régénérés via des cycles biologiques (en vert) ou techniques (en bleu) pour être source de revenus ou d’économies.
Dans ce contexte, la manière de réduire l’empreinte carbone d’un bâtiment circulaire consiste :
– En amont, à éco-concevoir le bâtiment selon le concept de “banque de matériaux”, en s’appuyant sur des passeports circulaires dûment renseignés,
– En aval, lors de la phase d’exploitation, à gérer les ressources du bâtiment afin qu’elles soient effectivement remployées ou “upcyclées” en fin d’usage ; c’est ce qu’on appelle le Ressource Management.
Qu’entend-on par bâtiment circulaire (ou Circular Ready) ?
75% à 85% des constituants d’un bâtiment sont remplacés durant sa vie
On estime qu’entre 75% et 85% des constituants d’un bâtiment de type tertiaire sont remplacés pendant sa durée de vie, et, pour certains d’entre eux, plusieurs fois.
On peut donc considérer un bâtiment comme un métabolisme qui évolue lentement, et dont il est important de récupérer les constituants après usage, pour qu’ils soient sources de revenus via leur réemploi, leur réutilisation ou leur upcyclage… plutôt que de déchets.
Pour récupérer ces constituants il est nécessaire de concevoir un bâtiment circulaire comme une « banque de matériaux », ce qui implique que :
– Le système constructif du bâtiment est pensé pour être le plus démontable possible afin de déposer, à moindre coût, les constituants usagés,
– Les constituants sont sélectionnés pour leurs performances en matière de non-toxicité et d’upcyclabilité, c’est-à-dire qu’ils sont eux-mêmes éco-conçus pour être facilement démontables et avec des matières saines et faciles à upcycler (la certification « Cradle to Cradle » apporte des garanties dans ce domaine),
– Ces constituants sont caractérisés par des passeports circulaires qui vont recenser des informations relatives aux constituants, et qui rendront possible leur réutilisations/upcyclages ultérieurs grâce à l’opération de « ressource management ».
Le Passeport Circulaire : la brique de base du bâtiment circulaire
La banque de matériaux s’appuie sur un concept innovant qui vient d’être intégré dans la version 4 des critères Cradle to Cradle : le Passeport Circulaire (“material passport” en anglais).
Le passeport circulaire est la fiche d’identité d’un produit. Il décrit généralement :
– Sa composition, au niveau de ses composants et des matériaux constitutifs de ces composants,
– Sa période d’usage, c’est-à-dire la période au-delà de laquelle le produit est détérioré au point de devenir un déchet et perdre toute valeur résiduelle,
– Ses prochaines vies possibles, qu’il s’agisse de réemploi, réutilisation, upcyclage ou recyclage, s’il s’agit d’un prochain cycle technique, ou de compostage, s’il s’agit d’un cycle organique,
– D’autres informations utiles telles que son empreinte carbone, sa part en matière recyclée, ou des notices de maintenance ou de démontabilité pour faciliter sa dépose en fin d’usage, …
Appliqué à un bâtiment, ce concept permet de caractériser les gisements de produits qui le constituent. Les informations contenues dans les passeports permettront de mesurer l’empreinte carbone du bâtiment, son degré de circularité ou de non-toxicité, ou de favoriser le Ressource Management qui permettra, lors de l’exploitation, de récupérer la valeur résiduelle économique des produits usagés du bâtiment en cas de réemploi ou d’upcyclage.
Exemple : le passeport circulaire de la plateforme myUpcyclea.
Pourquoi la distinction entre réemploi, recyclage et upcyclage est-elle si importante ?
Le mot anglais Upcycling a été proposé au milieu des années 1990 par Reiner Pilz. Il a ensuite été repris par William McDonough et Michael Braungart dans leur ouvrage « Cradle to Cradle: Remaking the Way We Make Things » paru en 2002, puis développé dans « The Upcycle » paru en 2013.
L’upcyclage ou upcycling est l’action de récupérer des matériaux ou des produits dont on n’a plus l’usage afin de les transformer en matériaux ou produits de qualité ou d’utilité égale ou supérieure. On recycle donc « par le haut », sans détruire de la valeur.
Cette notion de maintien ou création de valeur est fondamentale quand on parle d’économie circulaire dans la mesure où le financement d’un cycle (organique ou technique) dépend de l’existence d’un modèle économique rentable et résilient. L’existence d’un tel modèle implique plusieurs choses :
– Considérer que tout est ressource, que la notion de déchet n’existe pas (comme dans la nature), et que ces ressources ont une valeur résiduelle en fin d’usage,
– Caractériser ces ressources dès la conception car c’est leur connaissance qui permettra d’identifier le meilleur écosystème pour les régénérer ou les réutiliser,
– Partir du besoin plutôt que du gisement pour constituer de tels écosystèmes car c’est le besoin, donc le marché, qui financera la boucle,
– Identifier la meilleure chaine logistique possible, au niveau coût, efficacité et empreinte carbone, afin que la ressource régénérée ou réparée corresponde au standard de qualité attendu par le besoin/marché.
La frontière entre l’upcyclage et le recyclage est parfois ténue car tous les deux visent, du moins théoriquement, à réintroduire de la matière usagée dans le cycle de production d’un produit. En pratique le recyclage est souvent source de destruction de ressource et de valeur par exemple via le stockage de terre en carrières, la production d’énergie par incinération, le « sous-cyclage » de plastiques ou l’exportation de matières vers des pays à bas coût de traitement.
Voici quelques exemples et contre-exemples d’upcyclage :
– Exemple 1 : Dépolymérisation du nylon d’une moquette usagée pour le régénérer en fils de nylon qui serviront à fabriquer des moquettes ou des collants pour femmes (upcyclage)
– Contre-exemple 1 : la filière “Optimum” d’incinération des moquettes (valorisation énergétique)
– Exemple 2 : Transformation de gravats de béton caractérisé en granulats de type 1 ou 2 qui serviront à refabriquer du béton
– Contre-exemple 2 : Utiliser les gravats concassés en sous-couches routières (recyclage)
– Exemple 3 : Transformation de terres d’excavation caractérisées en matériaux terre de type blocs porteurs, enduits ou BTC
– Contre-exemple 3 : Enfouir les terres pour combler des carrières (valorisation déchet)
Lorsque l’on constate que nous dépensons, en Europe, environ 95 milliards d’euros pour le traitement de nos déchets, et que seulement 9% des déchets recyclés sont effectivement réinjectés dans les processus de production (source Marketsandmarkets, 2015), on comprend à quel point l’upcyclage est l’avenir du recyclage et d’un monde circulaire.
Alors, Réemploi ou Upcyclage ?
Le réemploi est séduisant car, un peu comme sur le site du “bon coin”, votre produit usagé est susceptible d’être réutilisé par un tiers ; ce qui peut-être une source d’économies et d’évitement carbone. Mais attention, sa mise en pratique s’avère très compliquée et finalement plutôt exceptionnelle. En effet, le réemploi est confronté à des problèmes de temporalité, d’acceptabilité et d’assurance :
1- Temporalité car, lorsqu’un bâtiment est déconstruit, l’intervalle de temps entre la dépose d’un produit et son potentiel réemploi suppose une synchronisation délicate entre les acteurs concernés qui peut ruiner les chances de réemploi. Un stockage provisoire des produits réemployables peut permettre de contourner cet inconvénient, mais les coûts engendrés peuvent remettre en question la validité économique de l’opération,
2- Acceptabilité car les usagers, notamment dans le résidentiel, peuvent être réticents aux “produits d’occasion”, ou parce que les architectes se sentent bridés dans leur créativité et ne jouent pas le jeu, ou parce que les déconstructeurs rechignent à collaborer et surfacturent les déposes sélectives nécessaires au réemploi,
3- Assurance car les compagnies d’assurance sont réticentes à garantir les risques de produits dont les performances (potentiellement amoindries) peuvent avoir des conséquences systémiques difficiles à évaluer.
Si le réemploi “ouvert”, c’est à dire le réemploi par des entités externes au propriétaire des ressources, s’avère donc délicat, le réemploi “fermé”, entre entités d’un même groupe (par exemple, l’échange de mobiliers entre les hôtels d’une même chaine) possède davantage de potentiel.
L’upcyclage, quant à lui, n’est pas confronté à de telles difficultés puisqu’il s’agit de récupérer des matériaux usagés (métaux, plâtre, bois, …) qui seront réinjectés dans les processus classiques de production, sous la forme de matières premières secondaires. Par contre, son empreinte carbone sera certainement moins bonne que celle du réemploi. Il faudra donc, au cas par cas, choisir la meilleure prochaine vie… sachant qu’en fin de compte, même une succession de réemplois d’un produit devra finir en upcyclage de ses matériaux, selon ce qu’on appelle un scénario en cascade.
Dernier élément de taille, les ingrédients d’un produit, et les traitements associés (par exemple, un traitement antifongique, déperlant ou retardateur de flamme), ne devront pas “polluer” le produit afin de ne pas pénaliser, voire empêcher, son upcyclage ou ses prochaines vies.
Le Ressource management, le nouveau concept qui révolutionne le monde de l’immobilier !
Sur cinquante ans, le coût des rénovations au sein du bâtiment représente plus de 3 fois son coût matière de construction initial :
Par conséquent, il est raisonnable de vouloir transformer tous ces coûts en économie, voire en nouveaux revenus, puisque les produits qui constituent un bâtiment possèdent une valeur marchande. Plutôt que de payer pour se « débarrasser » de ses ressources usagées en les confiant à un gestionnaire de déchets, le propriétaire du bâtiment gagnera à les gérer afin d’en récupérer la valeur résiduelle en fin d’usage.
C’est ce que propose l’économie circulaire et le concept de « ressource management ». En effet, sans une bonne gestion aval des ressources, à quoi bon faire des efforts déco-conception en amont ? A quoi bon concevoir un bâtiment comme une banque de matériaux, si la plupart des ces constituants sont enfouis, incinérés ou sous-cyclés en fin d’usage ?
Le Ressource Management consiste donc à identifier des écosystèmes d’acteurs et de ressources qui vont permettre de régénérer les constituants usagés d’un bâtiment selon un modèle circulaire d’upcyclage ou de réutilisation.
La notion d’écosystème est inspirée de la nature et consiste à connecter 3 parties prenantes :
1) Les propriétaires de bâtiments qui constituent des gisements de ressources usagées (caractérisées par leurs passeports circulaires),
2) Les acteurs de la transformation, dont le rôle sera de constituer une chaine logistique capable de satisfaire les besoins des clients, en termes de qualité, de coûts et de conditions d’approvisionnement.
3) Le marché des clients ayant des besoins en constituants réutilisables ou en matières premières secondaires,
Pour fonctionner correctement, le concept de Ressource Management s’appuie généralement sur des logiciels numériques (souvent appelés « matériauthèques circulaires ») qui permettent de saisir et d’exploiter les informations caractérisant les ressources, les besoins et les acteurs, pour en déduire des écosystèmes rentables et économes en CO2.
Mode de fonctionnement de la matériauthèque circulaire myUpcyclea
Dans l’exemple ci-dessus, la plateforme myUpcyclea permet à l’exploitant d’un bâtiment (le Ressource Manager) de distribuer des comptes gratuits à ses partenaires qui vont déclarer leurs transformations et leurs besoins, sur la base desquels, aidé par les technologies d’intelligence artificielle de l’outil, il définira les meilleurs écosystèmes d’acteurs possibles pour régénérer ses gisements de ressources usagées.
Comment produire des indicateurs circulaires dans le bâtiment ?
Même si la prise de conscience environnementale progresse, il faut bien reconnaître que, la plupart du temps, les gestionnaires de parcs immobilier sont d’abord intéressés par communiquer sur leur empreinte carbone et une gestion plus vertueuse de leurs déchets.
Mais ils peuvent retirer bien davantage d’une approche circulaire en gérant 4 indicateurs :
1- L’empreinte carbone du bâtiment
2- Le degré de pureté (non-toxicité) du bâtiment
3- Le degré de circularité du bâtiment
4- La valeur résiduelle économique du bâtiment
La meilleure façon de produire ces indicateurs, c’est de s’appuyer sur les information associés aux produits qui vont constituer le bâtiment… et donc d’exploiter les données de leurs passeports circulaires.
Il est clair que la qualité des données saisies dans les passeports sera prépondérante, en particulier la connaissance des matériaux qui composent les produits par les fabricants eux-mêmes. Ce qui ce n’est pas si fréquent. Le référentiel Cradle to Cradle joue donc un rôle majeur, dans la mesure où son processus de certification exige du fabricant (au niveau Gold) de connaître 100% de la composition du produit, de ne contenir aucune substance toxique, de connaître son impact carbone, ainsi que, au niveau du processus de production, de connaître son mix énergétique et son impact sur l’eau et l’humain.
C’est pour cela que la plateforme myUpcyclea propose une caractérisation de ces passeports, grâce à des pictogrammes qui visent à garantir la qualité des informations saisies. Pour chacune des catégories, si les informations ont été saisies et sont prouvées par une tierce partie (comme dans le cas d’une certification C2C), les pictogramme sont colorés ; quand les informations sont purement déclaratives, les pictogrammes sont grisés, et quand les preuves ne sont pas disponibles alors les pictogrammes sont absents.
Logiquement, plus le bâtiment s’appuiera sur des produits C2C ou des produits disposant d’informations pertinentes (par exemple issues des FDES pour l’empreinte carbone), meilleurs seront les indicateurs de circularité, d’où l’importance d’une l’éco-conception de type “banque de matériaux”.
1 – L’empreinte carbone du bâtiment
L’empreinte carbone mesure les émissions de gaz à effet de serre provenant de sources anthropiques. Cet indicateur met en évidence l’empreinte carbone de production (depuis l’extraction des matières premières et jusqu’à la fabrication) des produits et matériaux qui composent les gisements d’un bâtiment.
Ce type d’indicateur permet de mesurer l’empreinte CO2 du bâtiment à un instant donné, et de mesurer les progrès au fur et à mesure des rénovations successives du bâtiment.
Indicateur “empreinte carbone” de la plateforme myUpcyclea
2 – Le degré de pureté (non-toxicité) du bâtiment
On oublie trop souvent que l’économie circulaire est indissociable de la non-toxicité. Car comment garantir l’innocuité d’un produit s’il est contaminé par des ingrédients issus du recyclage ? Par ailleurs, il est prouvé que la qualité de l’air intérieur augmente les performances et la productivité des usagers de 6 à 9% (The effects of indoor air quality on performance and productivity – D P. Wyon, 2004). Par conséquent, pour des raisons économiques et de santé publique, le suivi d’un indicateur sur la pureté d’un bâtiment est intéressant.
Cet indicateur est basé sur le critère “Material Health” du Cradle to Cradle qui évalue 100% des ingrédients d’un produit, et sur sa liste sélective de substances interdites pour les produits non certifiés. En exploitant ces données qui sont présentes dans les passeports circulaires, il devient possible de produire l’indicateur de non-toxicité du bâtiment.
Indicateur “non-toxicité” de la plateforme myUpcyclea
3 – Le degré de circularité du bâtiment
L’indicateur de circularité est le résultat d’une opération qui prend en compte à la fois les vies précédentes des matériaux intégrés dans les produits considérés et les prochaines utilisations possibles de ces gisements. Les équations qui calculent le degré de circularité doivent intégrer la capacité de désassemblage des produits, la part de matériaux recyclés intégrés dans les produits, ainsi que les prochains usages concrètement envisagés.
Cet indicateur est particulièrement précieux dans le suivi des rénovations du bâtiment, et est directement connecté aux formules de calcul de l’indicateur de valeur résiduelle économique.
Indicateur “circularité” de la plateforme myUpcyclea
4 – La valeur résiduelle économique du bâtiment
La valeur résiduelle économique représente le revenu qui pourrait être généré par la gestion circulaire des gisements du bâtiment. Elle tient compte des économies/revenus induits par le réemploi ou l’upcyclage des produits du bâtiment en fin d’usage, intègre les coûts supplémentaires de dépose sélective, et déduit les coûts habituels de traitement des déchets.
Elle peut être calculée sur 30 ans, et intégrer la fréquence de remplacement des produits selon leurs corps d’état respectifs, ou être calculée à l’instant T, avec ou sans valorisation de la structure du bâtiment.
Cet indicateur est particulièrement intéressant car il permet à l’exploitation du bâtiment de devenir un poste de revenus plutôt que de coûts, et, à une foncière, de réinjecter cette valeur résiduelle dans le calcul de son patrimoine immobilier.
Dans le tertiaire, la valeur résiduelle moyenne est comprise entre 1 % et 14% du coût matière de construction initial. Cette valeur sera d’autant plus élevée que le bâtiment aura été rénové ou construit selon le concept “banque de matériaux”.
Indicateur “valeur résiduelle” de la plateforme myUpcyclea
Comment l’intelligence artificielle appliquée au bâtiment pourrait sauver le monde ?
Quand on pense intelligence artificielle, on pense inévitablement à tous ces films de science fonction qui nous prédisent une domination du monde par des robots autonomes et surpuissants, controlés par une intelligence artificielle supérieure.
Autant la robotique le permettrait, autant l’IA, malgré les progrès considérables qu’ont rendu possible la quantité de données disponible sur internet et la puissance des puces de NviDia ou Google, est loin d’être une IA Généralisée, c’est à dire une intelligence équivalente à celle de l’être humain. N’en déplaise à Elon Musk les auto-pilotes sont aussi “intelligents” qu’un conducteur ivre et la résolution de ce problème est d’une complexité exponentielle actuellement hors de portée. C’est d’ailleurs le constat que fait Eric Julia à propos de Siri, dont il est pourtant le co-créateur.
Par contre, combiner l’intelligence humaine et l’intelligence artificielle est une voie d’avenir qui est de plus en plus appliquée. Par exemple, le taux d’erreur de l’intelligence humaine dans l’analyse d’un scanner médical est de 3,5%, et celle d’une intelligence artificielle de 7,5%. Mais en les combinant ce taux d’erreur tombe à 0,5%.
Cette approche est particulièrement intéressante dans le champ systémique de l’économie circulaire. Nous sommes en effet confrontés à une complexité d’informations et d’acteurs qui concernent tout les pans du vivant et de notre économie, dans la mesure où tout est ressource et tout se transforme. La nature a eu besoin de plusieurs millards d’années pour se constituer en cycles et en écosystèmes ; les derniers chiffres du GIEC nous montrent à quel point il y a urgence à l’imiter, si nous voulons éviter un effondrement dramatique.
La plateforme d’économie circulaire la plus avancée dans ce domaine est myUpcyclea. Elle utilise différentes technologies d’IA qui permettent d’assister le Ressource Manager dans la constitution des écosystèmes et dans le calcul de la valeur résiduelle des constituants d’un bâtiment.
Une des technologies s’appuie sur de l’IA symbolique basée sur des règles d’inférence qui restituent les 12 ans d’expertise d’Upcyclea (ex-EPEA France) en matière de Cradle to Cradle et d’upcyclage des matériaux. Ces règles permettent non seulement d’associer des gisements à des besoins et à des transformations, mais aussi, d’associer des gisements d’un bâtiment aux entrées de tables dont les données permettent de calculer la valeur résiduelle de ces gisements, à l’instant T ou cumulée sur 30 ans. LeS écosystèmes et les modèles économiques résultants rendent ainsi possible une régénération des ressources à grande échelle.
Une autre technologie s’appuie sur de l’IA statistique, à base de réseaux de neurones récurrents à mémoire qui exploitent les retours d’expérience en matière d’écosystèmes positifs, ce qu’on appelle pompeusement le Deep Learning. Cette technologie a cependant besoin d’un nombre croissant de données qualifiées pour atteindre son plein potentiel. Compte tenu du nombre croissant de bâtiments circulaires construits en France, et dont les gisements sont caractérisés par des passeports circulaires, on ne peut être qu’optimiste.
C’est pourquoi, il est raisonnable de penser que l’intelligence artificielle peut, non seulement, nous aider à régénérer nos ressources, mais aussi à transformer un monde linéaire sans avenir, en un monde circulaire basé sur la coopération, la qualité et une création de valeur tant environnementale qu’économique.
Au sujet de l’auteur : Eric Allodi est DG de la société Upcyclea spécialisée dans les plateformes intelligentes et les services dédiés à l’économie circulaire. Ingénieur informatique, diplômé du MIT en Intelligence Artificielle, il a créé le département Cybersécurité d’IBM Global Services, a dirigé la direction Risk Management de Bouygues Telecom et a représenté la France à l’OTAN dans le domaine des systèmes ouverts.
Expert en économie circulaire et en Cradle to Cradle depuis 2007, il est également spécialiste en philosophie intégrale, en méditation, en intelligence collective et en Holacracy.