Une maison pour seniors construite en bois-paille
En plein cœur de bourg de La Chapelle-Thouarault, dans l’Ille-et-Vilaine, une maison pour seniors à ossature bois-paille est en construction. Ce sera le premier projet locatif référencé C2C en France et disposant d’une “signature circulaire”.
C’est de retour d’un voyage d’étude aux Pays-Bas, en 2016, que l’ancien maire de La Chapelle-Thouarault (Ille-et-Vilaine) a souhaité lancer un projet C2C pour la future maison pour seniors. La devise du C2C, « cradle to cradle » littéralement « du berceau au berceau », pourrait être « rien ne se perd tout se transforme ». C’est une philosophie de l’éco-conception, basée sur l’économie circulaire, qui vise à penser le cycle de vie d’un bâtiment dès sa conception. Il n’y a plus de déchet, tout est ressource ! Le principe est simple : zéro pollution et 100 % réutilisation.
« Aujourd’hui, plus de 400 000 m2 sont conçus en C2C en France, dont environ 20 000 m2 de bâtiments publics », estime Éric Allodi, directeur général d’Upcyclea, bureau d’études spécialisé sur le C2C. Mais sur 345 millions de tonnes de déchets produits par an, les trois quarts (250 millions) sont issus du BTP et sont majoritairement non valorisés.
Petits logements en coeur de ville
Ce projet s’inscrit dans la continuité des démarches liées au développement durable et à la biodiversité. La commune compte déjà depuis 2007 un éco-quartier en cours de labellisation. « Nous n’avons ni entreprises, ni tourisme. Notre patrimoine naturel est notre unique richesse », déclare la maire, Régine Armand. Située en périphérie de Rennes, cette commune rurale compte de nombreuses personnes âgées, logées dans de grandes maisons isolées, qui souhaitent se rapprocher du bourg. « L’idée était donc de construire de petits logements en cœur de ville pour pouvoir les accueillir », poursuit l’élue. Pour cela, la commune a progressivement acquis deux maisons avec terrain (950 m2) en cœur de bourg.
La commune a lancé un appel à candidature et le bailleur social Néotoa a été retenu comme maître d’ouvrage et futur propriétaire de la maison des seniors. Il a fait appel à l’agence 10i2La architecture, spécialisée en éco-construction et démarche participative, et à Upcyclea, comme assistant à maîtrise d’ouvrage sur l’aspect C2C et la labellisation.
Solution alternative à l’Ehpad
En 2017, trois ateliers participatifs ont permis de définir le projet avec une vingtaine de personnes, pour l’essentiel les futurs habitants potentiels et les voisins. Le choix des matériaux s’est orienté vers le bois (en provenance du grand ouest) comme structure porteuse, et la paille (Vendée) pour l’isolation des murs. Côté énergétique, avec 36 cm de paille, le bâtiment est classé en A. Le bâtiment doit participer de la santé et du bien-être de ses occupants. Les matériaux utilisés sont non toxiques (pas de COV) et peuvent être démontés (sauf la dalle) et récupérés après usage.
La résidence compte une salle commune qui sera ouverte vers l’extérieur pour favoriser les échanges, via des animations, l’organisation de marchés bio, etc. La proximité de l’école et de la future médiathèque (en C2C aussi probablement) permettra de développer les liens entre les générations. Un jardin potager partagé et une terrasse collective sont également prévus, ainsi qu’un verger et des locaux à vélos, à côté d’espaces privatifs. Située à proximité des commerces, la maison des seniors a été pensée pour favoriser l’autonomie des résidents et offrir une solution alternative à un accueil en Ehpad.
Son coût est environ un peu plus cher qu’un projet conventionnel. « L’économie du projet doit se lire dans le cercle vertueux dans lequel il s’inscrit en lien avec le territoire : tous les artisans sont situés dans un rayon de 40 km », souligne Justine Duval, architecte. En outre, dans le concept C2C, le bâtiment devient une banque de matériaux pour le futur, référencé dans une plateforme numérique « myUpcyclea ». « Le bâtiment est pensé comme un gisement, la plateforme identifie également les besoins et les transformateurs. Ces ressources pourront être valorisées pour répondre à des besoins et non plus considérées comme déchets. Depuis 2019, en intégrant tous ces paramètres, et notamment les dépenses évitées, nous pouvons calculer « la signature circulaire » d’un bâtiment. Cette maison des seniors sera le premier projet public à obtenir cette signature », conclut Éric Allodi.